Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
À KOLOMEA.

— Tu te prends donc pour un sage ? cria Mintschew. Et avec cela, tu ne comprends pas les choses les plus simples, des choses que tout enfant conçoit.

— J’aime mieux être une brute, vociféra Pintschew, qu’un poshe Israël.

— Tais-toi !

— Non, je ne me tairai pas. »

Ils recommencèrent à se prendre par la barbe ; fort heureusement pour eux, car cela les aida à sortir un peu de la fange où ils se seraient infailliblement noyés, si Rachel n’était arrivée en hurlant, escortée d’une bande de paysans qui paissaient leurs chevaux dans le voisinage et qui avaient entendu les cris désespérés de Pintschew. Celui-ci continuait à vomir ses poshe Israël à la face de Mintschew, qui, lui, tonnait à l’oreille de son ami, âne, bœuf, triple brute. Ils criaient encore lorsque les paysans les sortirent du marais.

Ce ne fut que plus tard, à la foire de Kolomea, lorsque Pintschew eut distribué ses jaquettes fourrées d’hermine aux filles de pasteurs aux joues roses, et que les femmes des employés inférieurs comme la femme de l’ingénieur, la femme du juge et la femme de l’inspecteur des travaux publics se furent disputé ses robes amaranthe, que les deux amis se réconcilièrent à côté d’une bouteille d’excellent vin dont ils burent une petite moitié, et que madame Rachel emporta soigneusement enveloppée dans un morceau de papier.

Les années se passèrent. Mintschew reçut d’Esterka quatre beaux enfants. Pintschew aussi eut enfin de Rachel un fils qui n’était pas moins ratatiné que sa mère. Rachel mourut. Son garçon la suivit de près. Quelque temps après, Mintschew perdit sa femme et ses enfants, à l’exception d’un fils. Il grandit sans les soins de per-