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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/57

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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

— Ne te donne pas tant d’importance, Pintschew, répondit Mintschew froidement. Nous sommes tous des ânes. Ne lit-on pas dans le Talmud : « Si nos ancêtres étaient des anges, nous sommes aujourd’hui des hommes, mais si nos ancêtres étaient des hommes, nous sommes maintenant des ânes. »

La discussion était entamée. Pintschew et Mintschew ne l’interrompirent qu’à la nuit.

C’est de cette manière que se passèrent plusieurs années. À chaque occasion, Pintschew traitait de treffnik, de poshe Israël Mintschew, qui, à son tour, débitait à son intention tous les noms d’animaux qu’il connaissait ; avec cela, ils partageaient honnêtement tout ce qu’ils gagnaient. Un jour, c’était Pintschew qui aidait Mintschew ; un autre jour, c’était Mintschew qui soutenait Pintschew, et ainsi de suite. Cela allait de soi, et on n’en disait pas plus long. Jamais Mintschew n’entendait un mot de remercîment de Pintschew, lorsque celui-ci lui avait prêté quelque chose. Et, lorsque Pintschew offrait de l’argent à Mintschew, celui-ci le mettait deux fois à la porte avant d’accepter un sou de lui.

« Ils sont ennemis et ils le resteront jusqu’à leur mort, » disaient les habitants de la rue Juive, dans la petite ville où ils habitaient, et au dehors, dans les tavernes dont la plaine était peuplée.

Quelques années encore s’écoulèrent. Au bout de ce temps, les deux amis tombèrent dans la misère. Mintschew ne possédait même plus son fouet ; il n’en avait conservé que le manche. Quant à Pintschew, il était incapable de faire un seul point. Les paysannes ne voulaient pas de son ouvrage.

Plus les deux amis étaient malheureux, plus aussi ils se montraient fiers et cherchaient à cacher leur pauvreté.