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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/163

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LA VÉNUS DE MURANY

« Aussi hautaine que belle, elle m’enchaînait à elle tantôt par sa féminine et virginale tendresse, tantôt par ses caprices despotiques, et, si singulier que cela paraisse, ces derniers me séduisaient le plus. Moi, l’ambitieux, le dominateur, qui ne me courbais devant personne, j’éprouvais de la jouissance à me soumettre à cette main adorée, qui finit par me réduire à un esclavage complet. J’obéissais au moindre signe, au moindre appel, comme un faucon dressé, jusqu’au jour où elle voulut me détacher de ma foi et de mon souverain. Alors, je me ressaisis. Ce fut un dur combat, mais le devoir triompha de ma faiblesse. Je m’arrachai de mon idole et je m’enfuis. Peu de temps après, Marie accordait sa main à Stephan Bethlen. Si vite, elle oubliait celui qui l’avait vénérée comme une sainte, servie en tremblant comme un esclave, entre les bras d’un autre ! Ne dois-je pas la haïr ?

— Non, Wesseleny, répondit le général, vous êtes injuste, vous êtes dans l’erreur. Comme je vois, je suis mieux instruit que vous sur ce mariage, et je veux détacher le bandeau qui trouble votre vue. Marie vous est restée inébranlablement fidèle, même après que, sans prendre congé, vous