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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/302

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L’AMOUR CRUEL

— Quel beau jeune homme que le prince, remarqua l’une de ses femmes.

— Noble et beau, reprit la czarine, rêveuse. Mais il y a du sang à ses mains, le sang de mon maître qui crie vengeance. Oui, je pourrais l’aimer si je n’étais forcée de le haïr.

De grand matin, la czarine se rendit avec ses femmes et les hommes de sa suite, à la tombe de son époux. Elle s’y laissa tomber en sanglotant, couvrant la froide terre de ses larmes brûlantes, et s’arrachant ses cheveux d’or. Puis elle fit dresser un grand tertre, en forme de cercueil. Elle-même y apporta les trois premières pelletées de terre. Aucun Dérewlan ne fut autorisé à y mettre la main, elle ne le souffrit pas, et Mak se soumettait en toutes choses, à sa volonté.

Elle avait dépouillé son voile de veuve, mais conservé ses vêtements de deuil. Mak mit un genou en terre, attendant de ses lèvres la décision d’où dépendait son bonheur.

— Le mort a reçu satisfaction, commença-t-elle, d’un ton grave, mais doux. Maintenant, il nous faut faire justice aux vivants. Vous avez demandé ma main, noble prince, la voici. Je suis à vous.

— Comment te remercier, ô ma reine ! s’écria