Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
326
L’AMOUR CRUEL

rôle important dans la littérature de l’époque. C’étaient Ben Jonson, le critique redouté ; Christophe Marlowe, le génial compétiteur de Shakespeare ; John Lilly, le poète de la cour partout fêté, favori de la reine Elisabeth, et le dramaturge Thomas Hughes.

Non loin d’eux avaient pris place Glendower et ses amis, avec quelques autres jeunes Lords ; à une troisième table, toute proche, étaient attablés des artisans et des matelots, et tous parlaient de l’événement du jour : la représentation annoncée de Roméo et Juliette.

Ben-Jonson prenait Shakespeare violemment à parti.

— Je ne nie pas la grandeur de ses dons, dit-il, mais il n’en est que plus blâmable s’il en abuse pour détruire le goût élevé, le noble idéal de tant de siècles, et porter à la scène les figures, les mœurs, les particularités et le langage de la populace. Il ne respecte aucune tradition, se moque de toutes les règles et jette, pêle-mêle, tous les genres et toutes les formes, avec une sorte de joie sauvage et destructrice, plaçant la simple prose à côté du vers cadencé, comme il mélange le subtil, le délicat et le tragique au grotesque, au vul-