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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/354

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L’AMOUR CRUEL

grande et maigre femme, habillée à la mode du temps, d’une double jupe en brocard et velours, de manches à gigot, et d’un col raide orné de dentelles d’or, paraissait non seulement majestueuse, mais opulente de formes. Seul, son visage émacié et pâle, couvert de taches de rousseur, donnait un démenti à cette ampleur.

Après avoir embrassé la salle d’un regard circulaire, elle s’assit. Au même instant, le son d’une cloche arrêta le cassement des noix et le froissement des cartes. Le rideau se leva lentement.

Dès la première scène, le langage savoureux et les joyeuses plaisanteries des serviteurs des Capulets et des Montéguts égayèrent la galerie et mirent le parterre en belle humeur.

La physionomie pittoresque de la nourrice excita des rires approbateurs, tandis que Mercutio, avec son récit de la reine Mab, fixait l’attention des loges.

La rencontre de Roméo et de Juliette, merveilleusement rendue par Ariella et Burbadge, enflamma toute la salle. Dès le premier acte, le succès alla grandissant, se transformant en délire enthousiaste. Le public tout entier, depuis la souveraine jusqu’au dernier des matelots, suivait en retenant