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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/78

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L’AMOUR CRUEL

Narda, tournant le dos à l’orgie qui se déroulait à ses pieds, dégrafa la boucle qui retenait sa tunique et rejeta l’hermine. Froide et impassible comme une divinité de l’Olympe, elle découvrit à son amant confus les radieuses formes de sa beauté.

Et, comme elle le voyait trembler et une rougeur brûlante inonder son beau visage, avec une cruauté calculée, elle choisit ce moment pour lui commander d’un ton bref :

— Du vin !

Wladimir, perdu en contemplation, demeura immobile.

— Du vin, n’entends-tu pas ? Du vin !

Effaré, il saisit la cruche d’argent, et, tout troublé, fixant du regard la bien-aimée, versa le breuvage.

Elle, les yeux attachés à ceux de son amant, retira lentement la coupe. Le vin se répandit à la fois sur la nappe, la robe de soie et l’hermine blanche.

En un geste emporté, Narda se leva et jeta la coupe.

— Valet maladroit, cria-t-elle, tu ne mérites que le fouet.

Le czar s’agenouilla en riant et lui saisit la main.

— Tu joues la maîtresse en maître, dit-il, mais cela suffit.