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Page:Sacher-Masoch - La Czarine noire et autres contes sur la flagellation, 1907.djvu/95

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LE MYRTHE DES AMANTS

Lorenzo, qui connaissait le caractère de fer du patricien, s’en retourna, désespéré, vers le Juif.

— Ne vous avais-je pas dit de ne pas me remercier ? commença le banquier. Je le savais. Jamais les Altoviti ne consentiront. Mais, dites-leur bien ceci : s’ils estiment leurs armoiries trop bonnes pour une fille d’Israël, moi, je trouve mon argent trop bon pour un chrétien. Allez et ne poursuivez plus mon enfant.

Rachel connut de tristes jours. Son père la tenait sous une étroite surveillance. Elle ne voyait Lorenzo qu’à la promenade ou lorsqu’il passait sous la fenêtre grillée et que, par hasard, elle s’y trouvait.

Vinrent les fêtes du carnaval. Les palais des patriciens s’éclairèrent de milliers de lumières, et, dans les rues, le peuple se livra à tous les plaisirs. Lorenzo profita de la liberté de ces jours de folie et de bruit, pour passer à maintes reprises, avec ses amis masqués, par le Ghetto. Mais en vain ils firent leurs lazzis devant la demeure de Rachel. Son père, chaque fois, l’appelait auprès de lui, dans la chambre du fond, où elle pleurait en silence. Mais un hasard heureux força le banquier à se rendre à Livourne pour recouvrer une créance.