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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/107

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LA FEMME SÉPARÉE

de sa poitrine frémissante. Elle sourit, en se penchant vers le petit prisonnier, et me regarda de ses beaux yeux mutins et railleurs à la fois.

À ce moment, elle était vraiment l’orgueilleuse beauté rêvée par Julian, la coquette impitoyable aux lèvres de laquelle étaient attachés le bonheur et le désespoir, la mort et la vie.

— Julian revint-il ? demandai-je au bout d’un instant.

— Il ne revint pas, répondit Mme de Kossow. Je voulais lui écrire premièrement, mais j’y renonçai. Au printemps, je partis, selon mon plan, pour une villégiature allemande, où, dès mon arrivée, je dominai en souveraine. J’eus des audiences et je reçus le comte comme un sujet qui a failli envers Sa Majesté.

Sur ces entrefaites, Julian tomba malade. Il ne prenait plus aucune nourriture, il ne parlait plus, et ne répondait que brièvement aux questions qui lui étaient faites. Sa mère, très inquiète, appela un médecin. Il l’examina, le questionna, et dit enfin que c’était un dépérissement produit par une cause morale, et que sa science n’y pouvait rien.

L’été vint ; Julian erra des journées entières dans la campagne et dans les bois, aux environs de Lwow. Il rassemblait des minéraux et des plantes, il étudiait les mœurs des insectes. S’il voyait venir