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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/127

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LA FEMME SÉPARÉE

chose de sacré, et j’y rêvais ensuite pendant des journées entières.

La colère m’étranglait. Je me levai et j’appelai Julian.

— J’ai entendu ce que vous a dit cette jeune fille, commençai-je toute frémissante.

— N’est-ce pas ? vous ne seriez pas capable de parler ainsi, vous ; vous ne sauriez jamais donner libre cours à vos sentiments comme cette enfant ? répliqua-t-il d’une voix aigre.

— Pourquoi pas ? m’écriai-je avec une sorte de violence.

Je ne voyais plus rien, je n’entendais plus rien ; il se tenait devant moi, tout pâle des tourments que je lui faisais endurer, sans le vouloir, hélas !

— Parce que vous êtes incapable d’éprouver des sentiments purs, répondit-il d’une voix dure. Pour vous, l’amour est un amusement comme un autre. Vous voulez plaire, vous voulez vous faire aimer, vous voulez vous faire adorer, mais sans vous donner. Or, l’amour vrai ne prend jamais garde à ce qu’il reçoit. Il se donne, parce qu’il lui est impossible de faire autrement.

— Qu’avez-vous dit ? m’écriai-je en fondant en larmes. Ne voyez-vous pas que je vous aime ?

À ce moment, tout eut le vertige à mes yeux. Le lustre s’éteignit, mes oreilles se remplirent d’eau,