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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/137

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LA FEMME SÉPARÉE

vous découper, vous, avec votre fauteuil et votre cheval.

Elle prit des ciseaux et se mit à l’œuvre. Et nous rîmes aux larmes de mon nez grec, de ma silhouette de papier et de mon coursier, qu’elle n’avait pas fait plus gros qu’un bichon.

Un peu plus tard, quelques jolies jeunes filles et des amis de Julian étant réunis à part, Élisa pria celui-ci d’aller chercher un portefeuille contenant de grandes photographies qui reproduisaient les principaux chefs-d’œuvre des musées de Dresde et de Vienne. Julian nous montra tout d’abord la « Sainte Nuit » du Corrège, puis « Une Marchande de soieries en Hollande », enfin la célèbre « Vénus couchée », du Titien[ws 1]. Je rougis jusqu’aux oreilles.

— Comment pouvez-vous nous montrer de pareilles choses ? balbutiai-je très embarrassée.

— Quoi ! ce portrait superbe vous blesse ? me dit Julian avec un sourire.

— Il blesse ma pudeur, répondis-je.

— Alors, c’est que votre pudeur n’est pas saine, s’écria Julian, dont le visage s’était revêtu d’un masque glacial. La beauté nue ne doit pas blesser, car elle n’est jamais immorale ou inconvenante. Ce qui est indécent, c’est le demi-nu ; tenez, par exemple, cette image. — Il me tendit le célèbre portrait d’Hélène Forman[ws 2]. — Voilà qui est immoral, et

  1. Note de Wikisource, voir : Titien, Vénus d’Urbino.
  2. L’"erreur" sur la graphie du nom de la muse de P.-P. Rubens (Forman pour Fourment) est présente dans l’édition originale allemande de l’ouvrage, voir p. 54 Google et p. 124 Google