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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/195

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LA FEMME SÉPARÉE

— Würger, répétai-je, Würger ! non.

— Et cependant c’est un homme bien remarquable, dit Mme de Kossow, un homme qui trouve des idées comme on trouve des cailloux ; on se baisse et on recueille ! Il avait pour principe de ne rien faire tant qu’il vivait aux dépens d’autrui. Ainsi, par exemple, il demeura toute une année chez un peintre célèbre. De là il se rendit en Hongrie, chez un ami qui s’adonnait à l’élevage des cochons. De là il se rendit à Vienne, paressa pendant quelque temps, souffrit de la faim, écrivit un nouveau livre et étudia jusqu’à ce qu’il rencontrât un original qui le prît chez lui, en échange de sa grossièreté et de son ingratitude.

Julian était en correspondance avec lui depuis des années. Et comme Würger se plaignait constamment de la misère, il n’hésita pas, bien qu’il fût loin d’être riche, à l’inviter à habiter avec lui.

C’est ainsi que Würger débarqua à Lwow un beau matin avec tout ce qu’il possédait : une canne jaune en jonc, qui ressemblait à une houlette ! C’était un petit homme assez gros, à la respiration difficile. Il avait une tête énorme, des traits grossiers qui décelaient assez d’intelligence et quelque peu de bestialité, un regard perçant et clair derrière ses lunettes, des cheveux rares et une barbe