Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
LA FEMME SÉPARÉE

le suis plus. Gardez-vous des illusions. Mais, n’est-ce pas, nous serons amis ?

Elle me tendit sa main, qu’elle laissa un bon moment reposer dans la mienne.

— Maintenant, sortons de notre paganisme et rentrons dans la société chrétienne.

Mme de Kossow se leva et prit dans la cassette noire un second manuscrit qu’elle jeta sur la table, en relevant dédaigneusement ses lèvres.

— C’est le journal d’un bon catholique, dit-elle, celui de mon mari. Nous allons y venir tout à l’heure.

Des soirées pleines de bonheur suivirent. Nous étions si heureux ! Quoiqu’on nous laissât rarement seuls, il semblait que chacun tînt à participer à notre félicité et à y puiser des forces. Non-seulement Turkul vint chaque jour fulminer contre le monde et ses illusions, mais ma belle-mère aussi venait souvent nous demander des consolations et des conseils. Cette femme si résolue avait fait la bêtise de se rendre amoureuse. Sa corpulence, son visage rouge et boursouflé donnaient à cet amour une tournure plus que ridicule : elle rappelait l’éléphant blanc de Heine, qui trottine au clair de la lune en soupirant : « Ah ! que ne suis-je un oiseau ! »

Donc, ma belle-mère s’était éprise d’un lieutenant, qu’elle comblait de friandises, de mouchoirs brodés,