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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/215

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LA FEMME SÉPARÉE

Fais tes préparatifs : je les emmènerai cette après-midi, vers six heures.

Il sortit.

Mes deux petites filles se jetèrent à mon cou en sanglotant et jurèrent de ne pas me quitter ; je souris douloureusement ; mon Dieu ! que pouvaient ces pauvres doux êtres ? On les arracherait de mes bras, malgré leurs cris, malgré leurs larmes. Élevées chez des étrangers, elles m’oublieraient, elles s’attacheraient à d’autres. Je fondis en larmes à cette idée. J’arpentai la chambre, tout en fièvre, j’inventai mille plans pour nous sauver ; je m’habillai et je me rendis chez mon père, chez un avocat, au tribunal même. Hélas ! tout fut inutile. Personne ne me consola, personne ne sut me donner un conseil, me rendre un peu d’espérance. Nous ne mangeâmes ni les unes ni les autres, au déjeuner ; les enfants avaient décidé de se jeter aux pieds de leur père, de lui demander grâce pour moi. Il ne vint pas déjeuner. Il ne rentra que le soir à six heures, lorsqu’il fallait nous quitter.

— Je t’en conjure, ne me prends pas les enfants ! dis-je d’une voix tremblante. Cela ne finira pas bien. Cela ne peut pas bien finir.

— Êtes-vous prêtes ? demanda mon mari aux enfants, d’une voix brève, et sans m’honorer d’un regard.