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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/217

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LA FEMME SÉPARÉE

lutte, le départ de mes enfants. Je me mis à genoux, et je priai, je criai à Dieu en sanglotant : — Je ne crois pas à ton existence. Prouve-moi que tu es, que tu m’entends !

Et soudain, je découvris une petite clé à côté de moi, par terre. Je la ramassai. Je regardai la serrure de mon secrétaire. Ô bonheur ! cette clé ne m’appartenait pas. Sans me rendre compte de ce que je faisais, je courus dans la chambre de mon mari, à son pupitre. J’essayai la clé. Elle allait parfaitement. J’ouvris le meuble, je cherchai dans les tiroirs ; j’y trouvai ce manuscrit, — le journal de mon mari ; je l’ouvris, je le parcourus avidement. Ma tête était en feu. Je ne songeai pas à ce que j’y lus, je ne me fâchai pas en y trouvant relatées des scènes en comparaison desquelles les orgies de Casanova, les descriptions scandaleuses de Thünmel sont des évangiles. Oh non ! certes. Je me disais que peut-être ce manuscrit serait mon sauveur, que par lui j’obtiendrais peut-être mes enfants ; que cette prose infâme livrait entre mes mains cet homme qui m’humiliait et que je haïssais jusqu’au crime. Je lus, et je lus longtemps. Et de temps à autre, mes épaules frissonnaient de dégoût en présence de cette bestialité crûment étalée sur le papier, de ces expressions sales de viveur et de toute cette débauche.