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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/244

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LA FEMME SÉPARÉE

» Elle se remit à rire.

» — Tu rêves, s’écria-t-elle. Mais tu n’as pas encore aimé. Veux-tu que je t’enseigne l’amour ?

» Son bras rond et chaud pressa amoureusement le mien.

» — Que veux-tu de moi ? balbutiai-je.

» — Je veux te sauver. Je veux faire de toi un artiste ; parce que tu me plais. Ne crains pas cependant que je te retienne. Quand j’aurai assez de toi, tu subiras immanquablement le sort de mes autres amants, et je te mettrai à la porte. Je ne suis pas une madone, ni un de vos anges vermeils ; j’ai causé la mort de plus d’un homme, j’ai souvent blasphémé contre les lois terrestres et célestes.

» — Femme, qui es-tu ? demandai-je en reculant.

» — Un démon, dit-elle en me lançant un regard étincelant, un être qui ne vit que pour le carnage, qui rit de votre Dieu, de votre immortalité et de votre morale. Et maintenant, sache que tu es la proie que je cherche.

» À ces mots, je frissonnai. Je voyais mon idéal devant moi. Et plus cette femme était cruelle et narquoise à mon égard, plus je me sentais en sa puissance. Il vint un moment où elle s’assit sur un petit divan et où je passai mon bras autour de sa taille, comme en délire, buvant son haleine.

» — Celle que tu aimes, balbutia-t-elle en se ser-