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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/304

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LA FEMME SÉPARÉE

noyer son chagrin. Il était souffrant. Il venait se faire soigner chez ses parents. Il fut tout effrayé des tristes choses qui s’étaient passées.

Il me blâma d’avoir quitté Julian pour un vaurien comme Mezischewski. Du reste, il prit chaudement mon parti.

Et à tort. Car bien qu’autrefois, lorsque commencèrent mes hostilités avec Julian, j’eusse complètement oublié tout ce que je lui devais pour l’accabler d’impertinences et ne remarquer que sa négligence à mon égard, Julian se montrait envers moi d’une bonté et d’une générosité étonnantes. Il venait rarement, mais qu’il était aimable et gentil ! Un soir, il était assis près de mon lit, il leva soudain la tête, et arrêta sur moi ses beaux yeux tristes, empreints d’une langueur toute particulière.

— J’ai une idée qui me tourmente sans cesse et que j’ai envie de mettre à exécution.

— C’est ? demandai-je.

Il écrivait une pièce nouvelle. Je crus qu’il y faisait allusion.

— Je vais partir pour la guerre.

— Toi !

Je fus vivement effrayée.

— Oui, en Asie. Qu’ai-je à faire ici ? continua-t-il d’un ton résigné. Tu ne peux plus m’aimer, n’est-ce pas ? et moi j’ai toujours eu le désir de me