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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/311

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LA FEMME SÉPARÉE

passait à mes côtés, indifférent, un sourire ironique aux lèvres.

Un désir de vengeance me monta au cerveau. Une idée folle me vint. Je voulais forcer Julian à me rendre raison par les armes.

J’espérais que ce jeu cruel monterait son imagination, et qu’il consentirait à ce rôle excentrique.

Je me représentais d’avance toute la scène.

Il m’attendrait avec ses témoins ; j’arriverais avec les miens, à cheval, vêtue d’une kasabaïka fourrée, une confederatka sur l’oreille, une cigarette à la bouche. Je saute à bas de mon cheval, et je me place vis-à-vis de lui. Il vise et tire en l’air.

Je lui réponds par un diabolique éclat de rire, je jette ma cigarette, et je lui fais signe de prendre place. Seulement, l’œil arrêté sur le sien, d’un air moqueur, je m’avance et appuie le pistolet sur sa poitrine.

— Eh bien ! votre imagination est satisfaite. Vous vous êtes livré entre mes mains. Je ne fais pas grâce !

Au même instant, il tombe mort à mes pieds. J’allume une nouvelle cigarette avec indifférence.

Oh ! que ce projet me paraissait séduisant ! Mais vous comprenez que, pour l’accomplir, il aurait fallu d’autres nerfs que les miens. La seule satisfaction que j’eus, ce fut de lui ravir son ami. Turkul, que