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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/34

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LA FEMME SÉPARÉE

d’une charrue, saura trouver de l’argent pour une bouteille de vin, pour une place au théâtre ou pour les faveurs d’une femme ; l’homme le plus occupé trouvera toujours le temps de s’amuser. L’amour est la vocation de la femme dans la nature, dans la société, dans l’État, et restera sa vocation. C’est lui qui oblige l’homme à s’inquiéter de ses enfants et à assurer leur sort. C’est d’après la manière dont on le comprend que se règle l’estime du monde. La femme légitime, qui pour toute sa vie a une position assise, même lorsqu’elle est l’épouse d’un pauvre homme, sera toujours estimée, pareille à un homme à qui le gouvernement aurait assuré un emploi inamovible, fût-il chichement rétribué. La maîtresse, en revanche, est beaucoup moins considérée, lors même qu’on lui ferait une vie princière. Elle ressemble à un homme qui aurait des fonctions largement rétribuées, mais précaires, ou à un chanteur payé fort cher, qui peut chaque jour perdre sa voix. L’équivalent de l’artisan qui, dès que le travail lui manque, doit mourir de faim, et qui, par sa sujétion, exerce moins de prestige que tous les autres, cherchez-le vous-même, mon ami. Car on estime rarement un objet bon marché. La preuve qu’il n’est pas question de théorie morale, mais bien de simples et pures questions matérielles, c’est qu’une jeune fille qui se donne par amour ou