Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
LA FEMME SÉPARÉE

tit-elle brusquement. Moi, pas. Je vais essayer de vous répéter ce que me dit un jour à ce sujet un homme remarquable, un être que j’ai aimé plus que ma vie, que j’ai haï d’une haine féroce, aussi. Maintenant, je ne possède plus que des larmes pour lui.

Une expression dure se répandit sur son visage, mais sa voix était douce, et je remarquai qu’elle devenait de plus en plus tendre à mesure qu’elle m’ouvrait son cœur. Je me gardai de la déranger, et je m’assis sur l’herbe sèche, à quelque distance.

— J’avais fait sa connaissance par hasard, dans la rue, continua-t-elle comme absorbée dans ses souvenirs.

Puis elle se tut, en baissant la tête.

— C’est-à-dire, continua-t-elle en se tournant tout à coup vers moi, pour que vous compreniez bien toute la portée de ces paroles, il faut que je vous raconte un peu de ma vie. Vous voulez me connaître, ajouta-t-elle, tandis qu’un fin sourire éclairait son visage d’une de ses oreilles à l’autre ; ainsi cela vous intéressera ?

— Je brûle de curiosité.

— Eh bien, écoutez ! Enfant, j’étais ce qu’on appelle une petite merveille ; on me trouvait spirituelle. Je vécus dans un luxe princier, mon père