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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/65

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LA FEMME SÉPARÉE

été élevée que lorsque je fus sur le point de le perdre. Mon mari ne s’entendait guère aux affaires. Des spéculations fâcheuses ébranlèrent la solidité de sa fortune. Nous passâmes l’été aux bains. Il y construisit avec son argent et le mien une villa princière, beaucoup trop fastueuse pour un aussi petit endroit, et qui, au lieu de produire, comme il l’espérait, un gain considérable, amena la faillite.

Des économies, une vie simple eussent pu nous sauver ; une bonne épouse aurait pu, à force de soins et de calculs, mettre de l’ordre dans le ménage. Mais je vous l’ai déjà dit, je ne m’entendais qu’à dépenser l’argent. Lorsque mon mari m’apprit sa situation, je fondis en larmes, je criai, je frappai du pied, j’eus une attaque de nerfs. Il renonça donc à l’idée qu’il avait eue tout d’abord de diminuer notre train de maison, et, pour me calmer, il me fit des cadeaux et satisfit toutes mes fantaisies. Bientôt, nous eûmes une abondance d’argent à la maison. Mon mari se fit prêter d’énormes sommes, hypothéquées sur notre villa, premièrement, ensuite sous forme de traites. Je ne lui demandais jamais d’où il tenait cet argent. Je l’acceptais comme une chose toute naturelle, sans reconnaissance. Quand je l’avais dissipé, j’en exigeais encore. Le visage soucieux de mon mari, dans certaines occasions, ne me troublait pas le moins du monde.