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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/72

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LA FEMME SÉPARÉE

justement cela, cette honte, ce repentir, cette crainte d’autres humiliations plus grandes encore, qui me jetèrent en son pouvoir. Une liaison durable naquit de cette surprise lâche et vile. Mon beau-frère nous quitta, puis il revint, et revint encore. Je m’efforçai d’aimer cet être qui m’avait fait perdre tout respect pour moi-même. Oui, j’essayai de l’adorer pour ne pas tomber plus bas encore. Mais tous mes efforts furent vains, malgré les prières que j’adressai à genoux à Dieu en pleurant.

Lorsqu’il me tenait dans ses bras, en extase, qu’il jouait avec les boucles de cheveux qui couvraient mon front, je réfléchissais, et me demandais, calme et sombre, comment je pourrais bien lui briser le cœur, à cet homme, et me venger de lui, de son attentat consommé pendant un moment de faiblesse, et mon orgueil s’enflammait comme une plaie et je me disais souvent que je pourrais le tuer.

Le jour de la vengeance arriva enfin, plus terrible que je ne l’avais rêvé. Ce jour-là, je fis saigner son cœur goutte à goutte, je le vis baigner mes pieds de ses larmes ; il voulut me tuer, et s’ôter la vie après.

J’avais, avec une raffinerie de cruauté sans exemple, attendu le moment où il allait me revoir