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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/76

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LA FEMME SÉPARÉE

çon si délicate que personne ne crut jamais à des rapports sérieux entre nous.

Mon mari, en ce temps-là, entra en rapport avec un dentiste qui se nommait Aaron Moscheles.

Un drôle d’homme, et qui a joué dans ma vie un rôle si important que vous me pardonnerez de vous le faire connaître.

Il était né à Lwow, de parents juifs, et destiné à continuer le petit commerce de son père. Mais, de bonne heure, l’ambition, les rêves et les projets commencèrent, semblables à un essaim d’abeilles, à bourdonner dans son cerveau.

Un soir, Aaron déclara à ses parents qu’il renonçait au commerce, qu’il voulait étudier et devenir quelque chose. Leurs larmes, leurs représentations furent vaines.

Il fit ses classes, entra à l’école de chirurgie, et en sortit, après l’examen, médecin-adjoint de l’armée.

Dix ans plus tard, il reparut ; son capital n’avait guère augmenté, mais ses connaissances humaines s’étaient accrues ; une idée fixe, qui pesait sur son cœur comme une lourde pierre, le poussait en avant, lui promettant position, richesses, honneurs, considération. Il marchait droit devant lui, il voulait arriver, coûte que coûte.

Ses parents étaient morts. Avant tout, il se fit