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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/101

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dans ses œuvres ! s’écria le capitulant. Faire son devoir, il n’y a que cela.

— Ainsi, repris-je en m’adressant au vieillard, vous voudriez mourir pour toujours, et la mort ne vous effraye point ?

— Si, si, mon bon monsieur, — il hocha la tête en ricanant, — j’ai une peur atroce de la mort.

— Comment cela ?

— Eh bien ! tant que je vis, je puis espérer qu’il y aura une fin à tout ceci, n’est-il pas vrai ? — ses petits yeux gris semblaient pénétrer jusqu’au fond de mon âme ; — mais, si la mort vient, la mort que j’attends depuis plus de cent ans, et si alors je n’ai pas cessé d’exister,… tout est perdu ! — Les assistants éclatèrent de rire. — Je vous en prie, monsieur, continua-t-il avec volubilité, regardez-moi : je ne suis pas un malheureux à bout de ressources, un paysan ruiné ou un scribe sans ouvrage ; je suis fatigué de vivre, oh ! bien fatigué ! Et les gens s’étonnent lorsqu’ils trouvent un homme qui s’est pendu !

Il se tut pendant quelques instants. Le feu pétillait, la fumée montait lentement vers les bouleaux, le vent était tombé tout à fait. Le centenaire regarda Balaban en dessous. — En voilà encore un qui en a, dit-il tout bas. Pas vrai ?

Le menton de l’ancien troupier touchait sa poitrine, et il se taisait. — Raconte-nous quelque chose, Balaban !

— Vous devriez en effet nous faire un récit, dis-je