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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/163

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plus avenants, et Olga l’écoutait parler avec intérêt. Son aplomb, son sang-froid, l’avaient étonnée ; elle ne songeait nullement qu’elle pourrait l’aimer ou devenir sa femme. C’est cependant ce qui arriva cinq semaines après.

Au fond, il ne la charmait pas ; mais il lui imposait, et c’est beaucoup. Mihaël avait fait ses études, puis voyagé, et il revenait à son pays natal avec une résignation enjouée. Il parlait de tout sans façon, des acteurs, de la pièce, et pouvait sourire quand elle avait envie de pleurer. ― C’est encore heureux disait-il, que vous ne soyez pas fardée : voyez comme ces demoiselles pleurent des larmes de sang. ― En effet, sur les joues des dames le rouge coulait avec leurs larmes, c’était triste et comique à la fois.

Il avait obtenu la permission de venir nous voir, et il en profita. Chaque fois qu’il vint, la mère d’Olga trouvait un prétexte pour les laisser seuls. Il parlait alors de ses voyages ; il avait parcouru l’Allemagne et l’Italie, et il savait raconter ce qu’il avait vu. Il était d’ailleurs plein d’attention ; en général, les femmes ne vantaient pas sa politesse, mais, lorsqu’il était avec Olga, il épiait ses moindres désirs. Il était souvent question de lui ; il avait la réputation d’un homme dur, sévère, orgueilleux ; néanmoins son esprit fin et cultivé, ses connaissances variées et plus d’une preuve de courage lui avaient valu dans son cercle une grande considération. On savait que ses propriétés étaient franches de dettes, et qu’il les exploitait d’après le nouveau système ; c’était, à dix lieues à la ronde, le meilleur parti.