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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/165

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on le déposa sur un banc, Olga alla chercher de l’eau ; peu à peu l’hémorrhagie s’arrêta.

― Il faudra le coucher, dit Mihaël. Moi, je vais monter à cheval quérir le docteur.

Il revint dans la nuit avec le médecin. Toubal avait été transporté dans son pavillon, où il mourut peu de jours après. Lorsqu’il sentit sa dernière heure venir, il demanda Olga. Elle vint, mais il n’avait déjà plus la force de parler ; il ne put que remuer les lèvres. Le jardinier, qui l’avait soigné, était assis en dehors sur les marches de bois et examinait avec satisfaction le pantalon blanc dont il allait hériter. Toubal était seul, personne ne pouvait les voir ; elle se pencha sur lui et le baisa au front. Alors les yeux du mourant s’illuminèrent, et un sourire céleste éclaira son visage émacié ; c’est ainsi qu’il expira. Sous son oreiller on trouva le cahier jaune et deux paires de gants de femme enveloppés dans du papier. Olga les prit pour les garder ; elle en a porté une paire le jour de ses noces.

Toubal fut enterré, regretté, oublié. Peu de temps après, Olga quitta la maison paternelle comme femme de Mihaël, qui l’amena ici fièrement dans une voiture à quatre chevaux.

Elle fut d’abord très heureuse : on le disait du moins, et elle le croyait elle-même. Ainsi que toutes les femmes, elle se figurait le monde comme un lieu de plaisir : la table, la toilette, les chevaux, — puis s’étendre sur un canapé pour fumer des cigarettes et lire des romans, que faut-il de plus ? Les hommes ensuite, ils sont là pour payer nos plaisirs, pour nous