Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

sortit, fit seller son cheval, et s’en fut dans la forêt surveiller l’abattage du bois.

V

En peu de temps, Olga avait complétement changé son train d’existence. Le cercle de Kolomea ne fut bientôt qu’un vaste salon dont la belle châtelaine était le centre, et dont le plaisir était la loi suprême. Le morne château s’animait, renaissait à la vie ; les solennels peupliers eux-mêmes prenaient un aspect plus gai. Sur le pré, on voyait briller des robes de femmes, des cerceaux et des volants bigarrés traversaient l’air, des ris folâtres éveillaient les échos du jardin.

Lentement les feuilles rougissaient. Le vent balayait les chaumes, des fils de la Vierge s’accrochaient comme de petits drapeaux aux buissons dépouillés, et les grues, formées en bandes triangulaires, partaient pour les pays du midi. À travers champs, Olga passe sur son cheval blanc, produit de l’Ukraine, sa robe flotte au vent, une plume se balance sur sa toque coquettement posée sur l’oreille. Les jeunes propriétaires et leurs femmes en costumes la suivent portés par leurs ardentes montures. Le cor retentit. Dans un champ de navets, un lièvre a dressé ses longues oreilles velues ; il se cabre étonné et s’enfuit vers les bois. Le renard pousse son aboi rauque et disparaît dans le fourré.

Puis de jour en jour le ciel revêt des tons plus gris, plus nébuleux. Déjà les corbeaux tournent