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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/175

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Elle est reine, en effet, elle brille, elle commande, et elle est heureuse. Déjà, parmi ses cavaliers servants, un tel qui a trouvé moyen de se faire remarquer par ses attentions, et qui en retour obtient la faveur de la déchausser de ses bottines fourrées ou de lui donner l’étrier, est désigné par la voix publique comme son amant quand elle n’a pas encore violé la foi jurée à son mari par un seul regard ou un seul désir. Jamais elle n’a eu tant de petits soins pour lui ; elle s’efforce de le dédommager par mille câlineries. Cependant des rumeurs fâcheuses sont venues jusqu’à l’oreille de Mihaël ; il a confiance en sa femme, mais il ne plaisante pas sur le chapitre de l’honneur ; chaque goutte du poison que la calomnie lance sur la réputation d’Olga, il la sent comme une brûlure.

Il se refroidissait visiblement. Lorsqu’il voyait arriver une visite, sans rien dire il sortait par la porte de derrière. Peu à peu il cessa d’accompagner Olga dans ses excursions. Au printemps suivant, avec quelques autres propriétaires du district, il fonda un cercle agricole, introduisit des perfectionnements dans son exploitation, s’abonna à une foule de journaux, se mit à frayer avec les paysans, à hanter leurs cabarets, car il songeait alors à se faire nommer député à la diète. Après la moisson, il alla souvent à la chasse tout seul avec son chien ; parfois il rentrait tard dans la nuit ; Olga était couchée, mais ne pouvait s’endormir, et le cœur lui battait pendant qu’elle guettait son retour. Lui était persuadé qu’elle dormait, et il gagnait sa chambre