Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un plaisir féroce faisait tressaillir tous ses nerfs. Comme elle vit les chiens soulever en l’air la misérable bête, qui pleurait de frayeur, elle éclata de rire comme un enfant qui voit tourbillonner une balle. Tous les regards se concentrèrent avec admiration sur l’intrépide écuyère ; les cavaliers vinrent baiser le bout de ses gants trempés de sueur en agitant leurs casquettes. Olga, les joues en feu, les yeux brillants, promenait ses regards sur le cercle de ses fidèles. Tout à coup elle aperçut à l’écart, sur la lisière du bois, un jeune homme qui la considérait en silence d’un air singulièrement sévère. ― Eh bien ! monsieur, lui cria-t-elle d’un ton provocant, on ne me rend pas hommage ?

― Pas moi, répondit-il sèchement.

Olga fit caracoler son cheval de manière à se rapprocher de son interlocuteur. ― Et pourquoi pas, sans indiscrétion ? demanda-t-elle avec plus de curiosité que de colère.

― Une femme que réjouit le supplice d’une bête, répondit-il, n’a pas de cœur, ou bien son esprit est absent.

Olga regarda l’audacieux. Celui-là n’était pas un homme nul ; il pouvait lui servir à tourmenter Mihaël. C’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Et il osait la traiter avec indifférence ! C’était la première fois qu’un homme lui parlait sur ce ton hautain. Sans ajouter un mot, elle tourna bride.

Une rage sourde la dévorait pendant qu’à table et le soir au bal elle le voyait causer avec animation, tandis qu’elle existait à peine pour lui. Évidemment