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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/186

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― Chez ces coquettes, dit Mihaël, le sentiment de l’honneur n’existe donc pas ?

― Hélas ! repartit Vladimir, l’honneur d’une coquette se juge comme celui d’un conquérant : il dépend du succès. Mais les hommes qui se respectent sont à l’abri de ces femmes, leur pouvoir ne s’étend que sur les sots et les niais, comme les chats qui n’ont pas de gibier plus noble à leur portée attrapent des souris et des mouches. Malheureusement cette race se multiplie, car nos femmes ne savent plus que lire des romans et toucher du piano…

― Vous méprisez les arts ? interrompit Olga.

― Dieu m’en garde ; mais sans travail il n’y a pas de vrai plaisir. Ces artistes qui ont laissé des chefs-d’œuvre ont trempé leur pinceau, leur plume, dans leur sang et leurs larmes. Pour les comprendre, il faut être capable de créer quelque chose soi-même.

― Vous avez raison, dit Olga avec tristesse. Bien des fois le vide de mon cœur m’épouvante.

― Essayez de vous occuper ; vous êtes jeune, le cas n’est pas désespéré.

Elle n’osa affronter son regard.

Des semaines se passèrent. D’épais brouillards enveloppent le château, la neige couvre la plaine, l’étang s’est revêtu d’une couche étincelante de glace ; mais le traîneau n’a pas quitté la remise, et les peaux d’ours hébergent des bataillons de mites. Olga reste couchée sur son divan, elle se creuse la tête pour trouver un moyen de réduire l’ennemi.