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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/192

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sombre. Ainsi vous n’avez point pour moi cette estime…

― Pas toute l’estime qu’il faudrait pour que je donne à une femme mon cœur et ma vie sans réserve.

― Vous me méprisez donc ? s’écria-t-elle avec colère.

― Non, je vous plains. Je ne cesse de penser à vous, je voudrais vous sauver.

― Pourquoi me méprisez-vous ? De quel droit ? Je ne veux pas être méprisée de vous.

― Qu’est-ce que cela peut vous faire, à vous, à la reine qui voit tous les hommes à ses pieds ?

― Pourquoi me méprisez-vous ? Dites-le, je veux le savoir. ― Emportée par la colère, les yeux étincelants, elle avait posé un pied sur le siège de Vladimir.

― Soit. Écoutez-moi, dit-il d’un ton glacial. Vous êtes une femme d’une beauté rare, d’un grand esprit, douée d’une âme tendre, créée pour régner sur l’homme le meilleur qui puisse être. Cela vous suffit-il ? Non, il vous faut chaque jour de nouveaux lauriers. Votre vanité est insatiable, c’est un vautour qui vous ronge le cœur ; mais ce pauvre cœur ne repousse point comme le foie du Titan, et au bout de tout cela on trouve le dégoût de la vie et le mépris des hommes et de soi-même.

Olga poussa un sanglot de rage, et ses doigts s’enfoncèrent dans ses cheveux noirs. Comme elle soulevait les bras, la pelisse s’ouvrit ; en la voyant ainsi se pencher sur lui, la gorge soulevée par une