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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/20

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CONTES GALICIENS


DON JUAN DE KOLOMEA


I

Nous étions sortis de Kolomea en voiture pour nous rendre à la campagne. C’était un vendredi soir. « Vendredi, bon commencement », dit le proverbe polonais ; mon cocher allemand, un colon du village de Mariahilf, prétendait au contraire que le vendredi était un jour de malheur, Notre-Seigneur étant mort ce jour-là sur la croix. C’est mon Allemand qui eut raison cette fois ; à une heure de Kolomea, nous tombâmes sur un piquet de garde rurale[1]. — Halte-là ! votre passeport !

  1. Kolomea, ville d’environ 10 000 âmes, est le chef-lieu d’un cercle de la Galicie ; elle est bâtie sur l’emplacement d’une ancienne colonie romaine, d’où lui vient probablement son nom. On sait que la partie orientale de la Galicie est peuplée par 3 millions de Petits-Russiens, qui appartiennent à l’Église grecque unie. À côté de la commune (gromada), qui se gouverne elle-même, on y trouve une autre institution démocratique, la garde rurale, formée par les paysans armés, qui fut en 1846 officiellement reconnue par le gouvernement autrichien et investie de prérogatives analogues à celles de la gendarmerie. La haine invétérée des Petits-Russiens pour les Polonais a toujours permis, en temps de révolution, de confier à la garde rurale la surveillance des campagnes. Il en fut ainsi en 1863, époque où se passe cette histoire.