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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/233

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— Mais vois toi-même, dit le comte. Tu es une belle fille, tu me plais ; comment faire ? Penses-tu par hasard que je devrais t’épouser ?

— Je n’y songe pas, dit-elle en éclatant de rire ; comment pourrions-nous vivre ensemble ? Comme un cheval et un chat attelés au même brancard. Mais, si vous voulez dire que je ne suis pas assez bonne pour être votre femme, je vous réponds, moi, que je suis trop bonne pour être votre maîtresse.

— Tu es une brave fille, dit le comte avec chaleur ; je t’aime encore mieux maintenant. Donne-moi ta main.

Elle hésita.

— Donne-moi la main, — répéta-t-il d’un ton d’autorité qui n’admettait pas de réplique, et elle obéit.

Ils reprirent leur marche côte à côte, sans proférer un mot de plus, jusqu’à ce que nous sortîmes de la forêt. Il faisait nuit, les étoiles brillaient déjà.

— Voici le sentier, dit la jeune fille en étendant le bras ; derrière l’image de la Vierge, vous prenez à droite. Vous ne pouvez plus vous tromper.

Elle se pencha, cueillit une fleur, et resta immobile à deux pas de nous.

— Où demeures-tu ? demanda le comte.

Elle ne répondit pas, et ne bougea pas davantage.

— Où pourrai-je te revoir ? insista mon ami.

— Pourquoi voulez-vous me revoir ? répondit-elle, mais en lui jetant un regard étrange.

— Soit ! dit le comte. Je saurai te retrouver.