Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’écouter. J’aime ce timbre voilé comme j’aime le son de l’orgue, la voix de la forêt et les notes sourdes des cloches. — Hier, c’était l’anniversaire de sa naissance ; elle vient d’avoir dix-huit ans. Espérant lui faire plaisir, je lui apportais un collier de corail ; elle l’a refusé, non par orgueil, mais avec une nuance de tristesse, comme pour me reprocher de l’avoir mal comprise.

— Désirerais-tu autre chose ? lui dis-je avec intention. Je t’aime bien, et je voudrais te le prouver. Que puis-je faire pour toi ?

Elle hésita un moment, puis, comme je lui pris la main d’un geste ému : — Instruisez-moi ! dit-elle.

— Comment cela ? — Je ne comprenais pas d’abord.

De sa belle main brune, elle me montra les étoiles qui scintillaient sur nos têtes. — Dites-moi ce que c’est ! Qui retient le soleil dans le ciel, et la lune ? Expliquez-moi ces merveilles. Pourquoi voyons-nous les plantes pousser et se faner plus tard ? Pourquoi les animaux viennent-ils au monde, et pourquoi meurent-ils ? Et quel est notre lot ?

— Je la regardai en tenant sa main dans les miennes, et une larme me monta aux yeux.

V

Depuis trois semaines, le comte donne des leçons à son élève. Il travaille comme d’habitude et tout lui réussit ; mais, une fois sa besogne terminée, il