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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/253

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prendrai rien ; je n’ai pas assez d’esprit pour cela.

— Ce n’est pas l’esprit qui fait défaut, répliqua le comte, et il la regardait dans le blanc des yeux, mais c’est quelquefois la bonne volonté. Depuis quelque temps, tu es rude avec moi ; tu n’as pas toujours été ainsi.

— Eh bien ! alors je le suis maintenant ! s’écria-t-elle avec emportement. Je ne suis pas une panna, une grande dame ; pourquoi ne serais-je pas rude ? On ne m’a point enseigné les belles manières.

— Ne te retranche pas derrière ton ignorance, dit le comte avec calme ; ne t’ai-je donc pas donné des leçons comme un frère ? « Mais tu n’as pas le loisir pour apprendre… » Comme il te plaira ! Si tu veux rester sauvage, à ton aise ! j’ai assez à faire pour m’instruire moi-même. Le monde est si grand, et le passé est là comme un autre monde ! Et la vie est si courte !

La grand’mère se leva, lui fit signe des yeux, et sortit ; il la suivit. Sur le pas de la porte, il se retourna pour m’appeler. Nous traversâmes ensemble le verger, et nous entrâmes dans les champs ; aucun de nous ne disait mot. Enfin la vieille femme prit la parole.

— Il vaudrait mieux, mon enfant, que tu ne vinsses plus.

— Pourquoi ?

— Dame ! parce que…

— Parce que Marcella ne peut me souffrir ?

— Non, parce qu’elle t’aime.

Le comte garda le silence.