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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/266

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— sauta sur moi, saisit ma main et colla ses lèvres sur la plaie.

» — Que fais-tu là ? dis-je assez embarrassé. — Elle me fit un signe de la main, je compris tout d’un coup. — C’était donc un reptile venimeux ? — Elle inclina la tête. — Et tu suces le venin ? Grand Dieu ! — m’écriai-je, et je tentai de retirer ma main ; mais elle la retint avec un effort désespéré jusqu’à ce qu’elle jugeât tout danger passé, puis elle cracha le sang dont elle avait plein la bouche. — Mais toi, lui dis-je avec terreur, il y va de ta vie ?

» — Oh ! pour vous je mourrais volontiers ! — Il y avait dans ce cri une passion qui m’effraya presque ; puis tout à coup elle fondit en larmes.

» — Tu vivras pour moi, m’écriai-je ; tu m’aimes, tu es à moi !

» Et elle, elle se laissa tomber à genoux, et, comme la créature qui dans sa peine amère appelle son Dieu, elle cria : — Oui, je vous aime, je ne pourrais plus vivre sans vous ; je ne suis pas digne d’être votre femme, mais je serai votre servante.

» J’étais si ému que je ne trouvai pas d’abord de réponse.

» — Faites de moi ce qu’il vous plaira, continua-t-elle avec plus de calme, je quitterai mon père, les enfants, et la maison où je suis née, et mon pays, si vous l’ordonnez,… oh ! je ferai tout, tout, pour vous suivre, mon maître, mon maître adoré !

» — Tu es mienne, répondis-je, et tu me suivras comme ma femme.