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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/279

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fois répondit : Non, d’une voix ferme. Elle resta en effet, et ce fut mon salut.

Je chargeai aussitôt mes deux revolvers, j’en gardai un, et Marcella prit l’autre. — On ne sait pas ce qui peut arriver, dit-elle. — Tous mes gens étaient sous les armes, et nous ne négligions aucune précaution. Néanmoins, — Dieu sait comment cela se fit, — nous étions le soir sur le perron à prendre le thé, quand trois paysans passent sur la route, qui nous tirent leurs chapeaux et nous saluent : — Loué soit Jésus-Christ !

En éternité ! Amen ! répondis-je. Aussitôt l’un des trois saute sur moi, et cherche à me frapper par derrière avec son poignard ; mais Marcella se jette au-devant de lui, elle pare le coup de son bras gauche ; je réussis à désarmer le meurtrier et à le terrasser. Pendant ce temps, les deux autres me visent. Deux coups partent. C’est ma femme qui vient d’abattre l’un des deux bandits pendant que l’autre tirait sur moi ; j’entends siffler la balle près de mon oreille, et elle va s’enfoncer dans le mur. Déjà ma femme l’a saisi au collet et appuie le canon sur sa poitrine : il est son prisonnier.

Mes gens ont entendu les coups de feu, ils accourent et se mettent en devoir de lier les gendarmes du gibet[1] pour les livrer aux tribunaux. À ce mo-

  1. Organes du gouvernement révolutionnaire, chargés de l’exécution des amendes et peines décrétées, telles que bastonnades, pendaisons, etc. — Il ne faut pas oublier que c’est un Petit-Russien de Galicie qui parle ici sous l’empire de la haine nationale qui existe entre Russes et Polonais.