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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/281

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Extraits des lettres écrites par Marcella
à son mari.

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« Depuis que tu n’es plus près de moi, je travaille avec une sorte de hâte fiévreuse. J’ai commencé la nouvelle digue et terminé la route de Starosol. L’abattage des hêtres est fait également. Je suis tantôt dans la forêt, tantôt aux champs, puis aux métairies ; l’autre jour, je me suis même rendue à la foire ; tout cela pour chasser ta pensée, et pourtant je ne fais rien sans penser à toi. Pourquoi cette inquiétude ? L’absence me fait comprendre combien je t’aime ; je n’ose aller jusqu’au bout de la pensée qui m’assaille… comment vivrais-je sans toi ?

» Figure-toi que nous avons des serpents au château. Je croirais volontiers que ce sont nos serpents domestiques de Zolobad qui m’ont suivie ici. Ils nichent dans le salon où se trouve le piano et ils ont l’oreille musicale. Je t’assure, toutes les fois que je commence à jouer, ils arrivent et m’écoutent avec recueillement ; mais quand c’est Mlle Babette qui se met au piano, ils disparaissent aussitôt. Et dans notre chambre à coucher il y a de petites souris ; je ne leur fais point de mal, elles sont si gentilles ! Aussi elles ne me craignent pas, — à telle enseigne que, lorsque je suis au lit, elles sortent de leur trou et se poursuivent par la chambre comme de petits chiens. Je leur jette des miettes de pain et des morceaux de