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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/59

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sait quel parti prendre ; on hésite. Lui être infidèle ? Non. Alors vivre en moine ? Quelle existence !… Vous est-il arrivé qu’une horloge s’est arrêtée tout à coup ? Oui ; mais vous êtes impatient ?

— Quelquefois.

— Bon ! Vous êtes donc impatient. Il faut qu’elle marche, là, tout de suite. Vous poussez le balancier ; elle marche. Combien de temps ? La voilà qui s’arrête de nouveau. — Encore, et encore ! — Elle s’arrête une fois de plus ; vous vous emportez, vous la maltraitez ; elle ne marche plus du tout. — C’est par là qu’on passe lorsqu’on veut avoir raison de son cœur. On finit par y renoncer.

D’abord, comprenez-moi bien, je ne voulais que me distraire. Un régiment de hussards était en garnison dans le voisinage ; je me liais avec les officiers. Voilà des hommes ! Ce Banay par exemple ; le connaissez-vous ?

— Non.

— Ou bien le baron Pàl ? Pas davantage ? Mais vous avez connu Nemethy, celui qui portait la moustache en pointe ? Ils venaient chez moi presque tous les jours. On fumait, buvait du thé ; à la fin, on jouait aussi. J’allais souvent chasser avec eux. Ma femme s’en aperçut à la fin ; elle devint taciturne, puis me fit des reproches. — Ma chère, lui dis-je, quel agrément ai-je donc ici ? — Le lendemain, Nicolaïa arrive dans ses grands atours, s’assoit au milieu des hussards, fait l’aimable, plaisante, prend des poses ; pour moi, pas un regard. Je ris dans ma barbe. Mes hussards, d’abord c’étaient d’honnêtes