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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/68

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me jetait l’eau à la figure. C’était une créature étrange. Sa coquetterie avait une nuance de cruauté ; elle me tourmentait dans son humilité profonde comme jamais orgueil de grande dame ne m’a tourmenté depuis. — Mais ayez donc pitié de moi, mon bon seigneur, que voulez-vous que je fasse de vous ? — Elle savait qu’elle faisait de moi tout ce qu’elle voulait…

IV

Mon boyard fit une pause ; nous nous tûmes tous les deux pendant quelque temps. Les paysans, ainsi que le chantre, étaient partis. Le Juif avait mis son fronteau et s’était assoupi dans un coin ; il nasillait en rêve quelque prière, et s’accompagnait d’un hochement de tête régulier. Sa femme était assise devant le buffet, la tête dans ses mains ; elle avait glissé ses doigts minces entre ses dents, ses paupières somnolentes étaient à demi fermées, mais son regard restait obstinément attaché sur l’étranger.

Celui-ci déposa sa pipe et respira profondément. — Faut-il que je vous raconte la scène que j’eus avec ma femme ? Vous m’en dispensez. Elle fut languissante pendant quelque temps ; je restais à la maison, je lisais. Une fois elle traverse la chambre, me dit à mi-voix : bonne nuit ! Je me lève, elle a disparu, je l’entends fermer sa porte. C’était fini encore une fois.

À cette époque, j’avais un procès avec la propriétaire du domaine d’Osnovian. Avant d’atteler la justice et de remettre les rênes à l’avocat, me dis-je, tu feras