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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/16

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SASCHA ET SASCHKA.

longue pléiade d’excellents poètes si admirablement doués, et parmi lesquels le monde littéraire compte avec orgueil le génie d’un Gogol et celui d’un Schevschenko.

En s’occupant de son nouveau plan, Sascha ne prit modèle ni sur Aristote, ni sur Lessing ; il comprit dès le premier moment que, faisant partie d’un peuple de paysans, il ne devait point chausser du cothurne les héros de son théâtre, mais bien des bottes à clous ou mieux encore, les faire voir nu-pieds. Il composa donc une pièce intitulée la Fête des moissonneurs, et dont les personnages étaient des paysans et des paysannes, un maire de village, un chantre d’église, un soldat en congé et un bohémien ; il s’y trouvait en outre deux personnages comiques, un noble polonais criblé de dettes et un cabaretier juif à l’esprit rusé. Quand elle fut terminée, il se mit à chercher des acteurs qui non seulement joueraient la pièce, mais s’occuperaient d’abord de monter le théâtre.

Sascha prit, pour jouer les rôles d’hommes, un artisan et cinq étudiants en théologie qui demeuraient dans le voisinage et se trouvaient en vacances ; puis, dans le village même, le chantre d’église, le secrétaire du seigneur et un étudiant qui, ayant subi des revers de fortune, travaillait chez l’écrivain du coin de la rue, enfin deux jeunes paysans. Mais les actrices manquaient pour remplir les trois rôles de femmes qui devaient figurer dans la pièce. Malgré cette lacune, Sascha s’empara d’une ancienne grange délabrée appartenant à son père ; puis, aidé de ses compagnons, il se mit à dresser l’échafaudage du