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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/178

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LA MÈRE DE DIEU.

frappés du luxe, de l’ordre et de l’élégance qui régnaient à la métairie.

On s’assit à table dans la grande salle : la famille, les deux hôtes et Sabadil. Ce dernier était resté, sur l’ordre de Mardona. Il savait lire et écrire : Mardona avait pensé qu’elle pourrait avoir besoin de lui. Le souper qu’on servit était succulent, et les vins eussent fait honneur à plus d’un monastère. Vers la fin du repas, Mardona entra ; elle portait un costume de paysanne et de riches atours, comme une princesse qui se rend au bal masqué. Elle était sérieuse et un peu pâle. Un sourire entr’ouvrait ses lèvres. Les hommes furent éblouis. Ils se levèrent et ne reprirent leurs places que lorsque la belle Sainte de Fargowiza-polna se fut assise à table. Mardona ne mangea pas. Elle parla à ses hôtes et les écouta discourir. Elle leur servit du tokay et se montra très aimable. À la fin du repas, elle les avait gagnés à sa cause. Elle leur expliqua les exigences des paysans, sans passion, sans s’emporter, mais comme un homme de loi qui met en lumière tous les côtés d’une question. L’officier se montra tout à fait de son avis. Le commissaire essaya bien de lui résister, mais il finit par convenir qu’elle avait raison. Il fallait des concessions de part et d’autre, afin de vider complètement cette querelle.

« Et si vous vous rendiez vous-même au château, Mardona Ossipowitch ? On ne saura vous résister. Les débats seront terminés ainsi.

— Vous me flattez, monsieur le commissaire, repartit la Mère de Dieu, mais il ne m’est pas permis de représenter les paysans, et je ne puis prendre un