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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/200

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LA MÈRE DE DIEU.

— Qui t’a dit cela ? s’écria Mardona d’un ton vif, très surprise mais nullement froissée. Nous suivons mieux que vous la prescription que le Christ nous a laissée.

— Quelle prescription ?

— La seule vraie : Aime ton prochain comme toi-même, et ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fît à toi-même. Notre croyance, de plus, nous ordonne de reconnaître et de révérer dans notre prochain l’image de Dieu, puisque l’homme est appelé à représenter Dieu sur la terre.

— C’est un beau précepte, je ne puis le nier.

— Approche-toi de moi, continua Mardona, et regarde-moi en face. Ai-je l’air de méditer de mauvais desseins ? »

Sabadil se rapprocha de la jeune femme et s’adossa à la muraille, à côté de son siège.

« Je crains, fit-il observer d’une voix basse et tremblante, que tu ne me ravisses ma foi, Mardona, de même que tu t’es emparée de mon cœur.

— Je ne t’ai rien ravi, repartit Mardona en fixant sur le jeune homme ses beaux yeux bleus rayonnants d’enthousiasme. C’est toi qui te donnes à moi, sans que je l’exige ou que je t’en prie.

— Hélas ! je ne suis pas maître de faire autrement.

— Prends patience, dit Mardona très grave. L’heure viendra, pour toi aussi, où le paradis te sera ouvert.

— Comment ?

— Écoute-moi, continua la Mère de Dieu, et tâche de me comprendre. On t’a enseigné, n’est-ce pas ?