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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/202

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LA MÈRE DE DIEU.

cheter. L’homme est possédé de plus d’esprit que la femme ; celle-ci se laisse diriger plus puissamment par la nature. »

Sabadil regarda Mardona. Les yeux de la jeune fille brillaient d’un éclat surnaturel. Une douce extase était empreinte sur son visage. Elle se tut et se tourna vers Sabadil.

« Crois-tu à la résurrection ? demanda soudain le jeune homme. Crois-tu qu’un jour viendra où Dieu jugera les vivants et les morts ?

— Au dernier jour, tous ressusciteront, répondit-elle, mais en esprit seulement. Le jugement viendra après.

— Ainsi, les Duchobarzen croient qu’une femme qu’ils appellent la Mère de Dieu est investie de la puissance céleste pour juger et régner sur la terre ?

— Ils le croient, Sabadil. La Mère de Dieu représente l’Éternel sur la terre. Tous doivent l’adorer et la révérer comme ils adorent et révèrent leur Dieu, parce que l’Éternel a choisi la femme pour ramener les hommes au paradis perdu. La Mère de Dieu seule peut punir les péchés et les pardonner. Ses ordres sont la volonté de l’Éternel. Les Duchobarzen ne reconnaissent pas de pape. Ils ne révèrent pas de saints. Ils n’ont pas de prêtres, pas d’images, pas de sacrements. La Mère de Dieu, au milieu d’eux, est l’incarnation de l’Être divin. Elle est sa volonté.

— Et qui te prouve, Mardona, que tu es celle que Dieu a élue pour le représenter sur la terre ?

— Si tu ne crois pas à moi, Sabadil, je ne puis te le prouver.