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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/268

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LA MÈRE DE DIEU.

amour pour lui devint si grand, qu’il anéantit tout autre sentiment, et même sa fierté.

C’était par une belle matinée d’hiver. L’air était plein de soleil. Les oiseaux chantaient dans les rameaux verts des sapins. Sabadil était à l’écurie, étrillant lui-même son cheval, qui avait la tête tournée vers lui et le regardait de ses bons yeux affectueux. L’écurie était un petit recoin noir, où le soleil ne pénétrait que par quelques fissures ou entre des poutres disjointes. Lorsque Mardona parut sur le seuil, elle sembla à Sabadil entourée d’une sorte d’auréole, dans la pleine lueur du jour. Il la considéra avec admiration. C’était la première fois que la sainte de Fargowiza-polna se montrait dans sa maison.

« Puis-je t’aider, ami ? » lui demanda-t-elle de sa belle voix, et avec un regard empreint de bonté et de franche gaieté.

Sabadil ne répondit pas à sa question. Il se contenta de caresser le cou nerveux de son cheval, en le flattant de la main à petits coups.

Puis il posa l’étrille.

« As-tu fini ? demanda-t-elle.

— Qu’y a-t-il à votre service ?

— Crois-tu que je suis venue parce que j’ai besoin d’un service ? répondit Mardona affectueusement. Non, mon ami. Mon cœur soupirait après toi, et je suis venue t’embrasser et surveiller un peu ton petit ménage.

— Il n’en vaut guère la peine, dit Sabadil avec un sourire. Un pauvre paysan n’aime guère à étaler le peu qu’il a.