Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
LA MÈRE DE DIEU.

— Et maintenant tu es homme, s’écria-t-elle sévèrement. Que me fait ton amour ? Tu as offensé Dieu en ma personne. Je ne suis plus pour toi qu’un juge. Je te condamnerai.

— Grâce ! grâce !

— Silence ! pas un mot de plus. Ne m’exaspère pas. Je ne suis déjà pas trop bien disposée à ton égard. »

Elle sortit vivement, tandis que Sabadil, fou de douleur, pressait ses mains liées sur son visage brûlant.

Lorsque Mardona se réveilla le lendemain matin, Sabadil était endormi sur le carreau dans la chambre borgne.

La Mère de Dieu s’habilla à la hâte et sortit dans la cour. Les tiges des sapins chargées de neige étaient toutes roses, au soleil qui se levait à l’horizon, rasant les champs de maïs de la steppe. Des becs-croisés sautillaient en sifflant, accrochés aux tiges sveltes des pins. La neige glacée formait une mousse sur le toit de la métairie. Au bord du ruisseau se balançaient des tiges et des roseaux recouverts de glace, où le soleil allumait des étincelles diaprées.

Mardona regarda autour d’elle avec satisfaction, et respira à pleine poitrine l’air pur et frais.

On aperçut alors sur la route une singulière procession. Un paysan aux cheveux blancs, une hache sur l’épaule, marchait le premier. Derrière lui s’avançait un énorme traîneau où se trouvait une grande croix de bois brut. Une forte jeune fille dirigeait l’attelage, un fouet à la main. Quatre hommes portant des marteaux, des clous et d’autres outils venaient après.