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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/57

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SASCHA ET SASCHKA.

parcouru ces volumes, que le curé, s’installant, la pipe allumée, près de la fenêtre, dévorait les Légendes, assis sur le recueil de Chants populaires, de peur qu’on ne le lui prît des mains. Pendant ce temps Spiridia avait attiré son fils près d’elle sur le divan ; elle ne pouvait se rassasier de contempler sa taille vigoureuse, son visage mâle et bruni, ses yeux intelligents et la magnifique chevelure qui encadrait son beau front.

Dès le lendemain Karol Zagoinski se rendit à la cure dans une voiture légère, pour inviter Saschka à venir chez ses parents.

« Tu m’excuseras, lui répondit son ami, mais je ne peux quitter la maison dès les premiers jours de mon arrivée.

— Tu as raison, dit le jeune seigneur polonais. Mais il y a des circonstances particulières qui font que je tiendrais beaucoup à ce que tu veuilles bien m’accompagner au château.

— Oui, va, mon fils, dit Sascha, tu t’es assez fatigué, amuse-toi maintenant ; nous jouirons comme toi de tous les plaisirs que nous pourrons te procurer. »

Saschka se décida donc, quoique avec regret, à s’en aller, et les deux amis partirent. Les circonstances particulières dont parlait Karol étaient à la vérité des circonstances très ordinaires. Il avait annoncé à sa famille la visite de son ami, ce qui fait que ses parents lui avaient dévoilé avec aigreur les nombreux préjugés des Polonais contre les habitants de la Petite-Russie, et en particulier contre ceux qui ont embrassé l’état ecclésiastique.