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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/94

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SASCHA ET SASCHKA.

terre et dérober à la vue les objets les plus rapprochés aussi bien que les plus éloignés.

Au loin, le tonnerre grondait sans interruption, la tempête mugissait, la pluie tombait à torrents, et de temps à autre un éclair déchirait la nue, laissant voir par intervalles les arbres du parc secoués violemment par l’ouragan.

« Que ce spectacle est beau, majestueux, grandiose ! » dit Kasimira, après l’avoir contemplé pendant quelque temps.

Saschka se taisait ; toute parole lui semblait vaine en présence d’une lutte si formidable entre les éléments, et il ne trouvait rien qui fût capable d’exprimer ce qu’il éprouvait.

Soudain un affreux coup de foudre ébranla le sol ; le château tout entier parut vaciller comme un vaisseau sur une mer agitée et semblait craquer de toutes parts. Kasimira jeta un cri et s’appuya, les yeux fermés, sur la poitrine de Saschka. Elle s’attendait à ce qu’il la soutînt dans ses bras ; mais, au lieu de cela, il se mit à lui expliquer clairement qu’aussitôt que l’on a aperçu l’éclair, il n’existe pas plus de danger d’être atteint que lorsqu’on entend siffler une balle. La comtesse retourna dans sa chambre avec mauvaise humeur et elle fit résonner les vitres en fermant violemment la porte.

Quand Saschka la rejoignit, il la trouva étendue sur l’ottomane.

« Il fait vraiment froid, dit-elle, je frissonne même sous ma fourrure. Prenez les tapis qui sont là et enveloppez-en mes pieds. »