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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/159

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1778
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vient bien) elle a déjà fait enlever plusieurs charretées de meubles au château de la Coste et plus tard, quand le commandeur, devenu grand prieur de Toulouse, mourra à son tour, elle montrera le même sang-froid en déménageant celui de Saint-Cloud.

Gaufridy met la mort de l’abbé à profit pour obtenir de madame de Sade l’autorisation d’ouvrir le cabinet du marquis, au prétexte d’y chercher ses titres de propriété sur les biens de Saumane. Il fait connaître à madame de Montreuil (qui brûle ce billet) le résultat de ses fouilles ; mais il ne rassure pas entièrement la présidente.

Le château de la Coste est un perpétuel foyer de cabales quand les maîtres n’y sont pas et de scandales quand ils y sont. La marquise s’émeut en apprenant que Gothon y reçoit chaque soir des étrangers qui exercent le principal talent de sa concierge en la faisant parler. Mais tout s’embrouille autour de cette histoire. Les lettres de madame de Sade sont un répertoire complet des préoccupations qui se pressent dans son esprit : on y voit côte à côte des instructions pour faire évader le marquis, s’il est conduit à Aix, et pour faire pendre un morceau de bois au col du chien Dragon qui a tué « plus de huit moutons ».

Nanon est mise en liberté dans la première décade de février par ordre de M. Laville. Mais, comme toute grâce faite aux petits est prétexte pour eux à en abuser, on la nantit d’un fort sermon en lui ouvrant la porte, et défense lui est faite de s’approcher de moins de trois lieues de Lyon et de Vienne. Nanon signe d’une croix devant témoins une quittance de trois cent vingt livres pour solde de ses gages et promet de ne plus parler du passé. Madame de Sade paie vingt-quatre livres pour son linge, bien qu’on ait pourvu le couvent du nécessaire, y compris deux paires de draps et des serviettes, à la vérité non des meilleurs. Ce serait vilenie de les retirer, mais la marquise se félicite de ne pas les avoir donnés bons. Nanon se loue pour trente deux écus à M. Catelan, négociant de Marseille, et madame de Montreuil, recevant peu après le ministre à sa table, le prie de continuer à faire surveiller cette fille.

Une consulte d’avocats aixois approuve fort l’idée de la présidente d’invoquer la démence du marquis pour obtenir une dispense de représentation, mais les praticiens n’osent s’y rallier ouvertement avant d’avoir sondé le procureur général. Madame de Montreuil ne peut de son côté passer outre sans en aviser son gendre, qui jette les hauts cris à cette proposition.