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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/161

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MARQUIS DE SADE — 1778
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obtient des lettres d’ester à droit avec attribution à la grand-chambre du parlement de Provence.

Le marquis veut comparaître en personne devant ses juges, malgré sa répugnance à y être conduit. La présidente se résout à ne point invoquer la folie, mais ne lui laisse pas ignorer qu’après tout ce que le ministre sait de lui sa justification ne saurait être suivie de la liberté.

Le marquis est transféré à Aix par ordre du roi signé à Versailles et remis aux geôliers des prisons royaux le dix-huit juin. Le commandeur écrit à tous les juges pour les prier de laver l’honneur de la famille, qui a puni elle-même le libertin. Au même instant, Chauvin, un fermier du marquis qui a voulu danser aux mêmes violons que son maître, est décrété d’ajournement pour avoir séduit la fille de Sambuc l’aîné, encore qu’elle fût d’âge à jouer le jeu en toute connaissance et à tous risques. La marquise se montre très irritée que ce Chauvin ait fait « de pareilles choses » dans sa ferme et le marquis lui-même, donnant peu après son avis sur la même affaire, la trouve « bien sale ! »

Le procès est ouvert. M. le procureur général juge à propos de s’absenter pendant les débats, mais Gaufridy dépense sans compter de l’argent que madame de Montreuil lui fait rembourser par les Sade d’Aiguières. Il paie à boire et à manger aux filles, et correspond, sans doute à leur propos, avec plusieurs chirurgiens et apothicaires de Marseille qui se déclarent enchantés des façons que l’on a eues avec eux. On ne trouve d’ailleurs pas trace, dans les comptes de l’avocat, qu’il ait usé de cet argent pour préparer la future évasion de M. de Sade. Le marquis fait une ardoise de soixante-douze livres chez le traiteur de la prison et ébauche une aventure, dans la geôle même, avec une détenue qu’il appelle sa « dulcinée au miroir ». L’avocat Rainaud, ayant fait passer à la dulcinée une lettre qui a été saisie, reçoit, à la grande joie du marquis, le sobriquet de « messager des dieux ». Les lettres de M. de Sade parlent sur un tout autre ton d’une pauvre prisonnière, à qui il fait parvenir de la Coste une aumône de six livres, mais c’est peut-être la même.

L’arrêt, dont on lira plus loin le dispositif, est rendu sans que madame de Sade en ait été avisée. Elle croit, à la date du vingt juillet, « que l’affaire est cassée, mais que l’on informe sur le deuzième chef » et pense que le plus sûr serait de revenir à son projet d’évasion. Le vingt-sept juillet, elle croit encore que le marquis est sur la route du Bourbonnais entre ses gardiens, et veut voler à sa rencontre. Elle a